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Régis Duffour
Du vivant à sa répression :
Article mis en ligne le 27 février 2007

Histoire banale d’une vie qu’on dégrade, des menottes au prétoire

Vous verrez donc comment la justice en arrive à ignorer la Justice, comment à la façon des marchands de tapis elle tapit l’ombre insidieuse de l’omniscient pouvoir marchand sous le faste, le feutré et les effets de manches de ses sectateurs. Un authentique marchandage d’où le principal protagoniste, celui-là même qui négocie en position de force est étrangement absent : l’Etat. C’est que les juges n’ont pas besoin qu’on leur téléphone, ils devancent les ordres.

S’il est dit que jamais justice ne se rend dans les tribunaux c’est qu’un odieux marchandage y prévaut.

Dans l’arène les gens de basse extraction s’entredéchirent, souvent pour des vétilles, parfois dans le sang, toujours dans la misère. Cette misère contre laquelle Victor Hugo s’insurgeait dans un discours prononcé à l’Assemblée Nationale en juillet 1849 : « Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère ».

Vous n’avez rien fait tant que vous manderez sur la chaire magistrats et procureurs qui attisent une guerre de chacun contre tous.

Vous n’avez rien fait tant que les robes noires donneront

prééminence aux intérêts bourgeois, de l’Etat et de l’industrie. Ceux-là opèrent contre les justiciables, les peuples, les hommes. Tirée comme elle l’est, à hue et à dia, par le fétichisme de l’argent, le bon ordre moral et une balance qui soupèse moins la vie et l’humain que les tables sacrées du marchand, la justice laisse invariablement un parquet jonché de victimes parmi les plus exposées, les plus faibles, les plus vulnérables de la société des hommes.

Vous n’avez rien fait ces jours de novembre, sous des cieux noirs, que livrer des hommes au sentiment d’injustice et obombrer un peu plus les façades de l’édifice croulant de la Cité.

Rappel des faits :

B. donne, l’été dernier, un spectacle dans une salle indépendante. La représentation finie il rejoint son ami O. dans la rue. Ce dernier est entouré de trois hommes menaçants. B. s’inquiète et insiste, O. se tait. L’un des trois hommes brandit une carte et hurle « Police ! ». Son collègue ceinture B., le plaque à terre et lui attache les menottes dans le dos. B. se rebiffe verbalement. Rien ne distinguait ces policiers d’hommes ordinaires, ni brassard, ni véhicule, ni tenue. Aux cris d’appels au secours de B., une godasse lui bourre le visage. Il est traîné sans ménagements dans un véhicule, y est balancé la tête la première. Les renforts ne tardent pas. B. hurle de plus belle. On le saisit à la gorge, la lui étrangle. Au bout de trente secondes ses membres vacillent, il est saisi de tremblements. Il commence à perdre connaissance, le policier ne desserre l’étreinte qu’à l’approche de la minute. « Sale gauchiste, alter-mondialiste » lui adresse-t-on, ce à quoi il rétorque « fascistes ». O. et B. sont placés en garde à vue. B. demandera l’assistance d’un avocat, il est minuit. A quatre heures seulement la permanence des avocats sera prévenue. Après dix huit heures de garde à vue émaillée d’insultes et d’intimidations, B. sort. Il lui manque 50 euros et son permis de conduire.

Les procès :

Un premier jugement intervenu début novembre condamne B. pour outrage et rebellions. Il est condamné à verser 800 euros à l’un de ses agresseurs, un supérieur hiérarchique qui saura sûrement en faire usage à l’approche des fêtes. Les cadeaux à ses enfants seront entachés du sang de B..

Du point de vu du droit la décision du tribunal de XXX atteint aux principes élémentaires qui garantissent les justiciables des abus de l’autorité publique. Pour la raison qu’ils ne portaient ni brassard, ni tenue et qu’ils avaient une voiture banalisée, qu’ils n’ont justifié de leur identité à O. qu’en montrant leur flingue et que B. ignorait qu’il pu s’agir de policiers, il y a là un premier vice de procédure caractérisé. Plus de quatre heures avant de dépêcher à la demande de B. un avocat, en voilà un second.

Qu’un tribunal puisse s’asseoir sur ces règles élémentaires relève de l’oukase plus que de l’équité. Qu’elles portent robes noires et hermine est une circonstance aggravante. Aucune jurisprudence, aucun texte, aucun fait ne peuvent surseoir à l’autorité juridique d’un vice de procédure. Le juge ne l’ignore pas. Comment voulez-vous qu’on s’empêche de dire qu’il y a transgression de la loi française, protection d’une administration et de ses sbires ?

Et s’il fallait ajouter que lors des audiences de tous les procès qui ont précédé celui de B., en toute fin parole fut donnée, chaque fois, à l’accusé et que par étrange, B. a été privé du droit de s’expliquer.

Que des policiers rôdent autour d’un lieu alternatif sans signes distinctifs en dit long sur leur volonté de se payer sur la bête la tête de gauchistes. L’insulte et l’empressement des policiers viendront corroborer nos soupçons.

Pleine de haine, la persécution des cuirasses caractérielles à l’égard de tout ce qui se rapporte à une vie non cuirassée. La répression de la vie selon Wilhelm Reich.

Le grotesque d’une décision pourtant attendue atteignait des sommets de casuistique effrayants lorsque pour justifier son attendu, s’appuyant sur le procès verbal la présidente lut « M. B. ne s’est pas montré coopératif quand il était étranglé » !

On peut s’autoriser à tous les sophismes, à toutes les horreurs, à tous les marchandages quand on est juge et parti, comme il y avait bel et bien collusion entre le judiciaire et l’exécutif contre le seul B.. Quand les policiers et leur administration seront-ils jugés par des tribunaux et commissions de personnes indépendantes de la démocratie parlementaire ? Car on en arrive à penser que si les juges ne reçoivent pas expressément d’ordres d’un tel pouvoir, ils n’en ont pas besoin, ils devancent les ordres. C’est à cela qu’on doit de porter une robe noire si l’on croit les récents propos du juge L.

Comment ne pas être sensible aux pressions exercées par la juge sur la personne d’O. dont il apparaît d’évidence que c’est un individu vulnérable. Elle n’aura eu de cesse de l’asticoter, de le chapitrer, de retourner une à une ses présentes déclarations et de les comparer mots à mots aux précédentes. Jusqu’à cette question en apparence absurde « Mais pourquoi les policiers ont-ils menottés B. ? ». Comme il n’entre pas dans les facultés d’O. de préjuger par télépathie de l’attitude des argousins, nous supposons que la juge n’a pas voulu s’en tenir aux déclarations pourtant claires du seul témoin, à savoir qu’ils ont agi violemment et sans raisons. En triturant les réponses d’O. elle visait à le déstabiliser. Cette ultime question tel le baroud d’honneur cherchait à induire le témoin en erreur.

Elle insistait et cette insistance valait bien menace, à tout le moins elle dissuadait O. de regimber et d’en dire plus pour la défense de B..

Car dans un tribunal l’essentiel se passe à mots couverts. Rien ne se dit sans que la personne du juge n’en induisent et n’en orientent l’intensité sinon la teneur. Qui par une intonation, une obstination, une question abrupte et des mots déguisés, d’apparence cordiaux et respectueux jusqu’au ton patelin qui voilent la véritable menace qu’on fait ainsi peser sur chacun des protagonistes de l’arène. Quand la juge s’en prend à O. et lui reproche d’être revenu sur ses déclarations ce n’est rien moins qu’une menace. Il sait que les résolutions qui étaient les siennes avant l’audience, celles de tout dire, resteront lettre morte. Déjà est suspendue au dessus de sa tête le couperet de l’acte comminatoire pour ce qui serait apprécié comme étant de fausses déclarations.

La juge n’ignore rien de la peur que chacun éprouve à se confronter à la justice. D’ailleurs, au préalable, il y aura eu pour renforcer ce sentiment de peur l’interpellation, les interrogatoires, les procès-verbaux, l’immensité des bâtiments, le luxe des locaux, la sentencieuse ouverture du procès. Pour O. qui est homme émotif, témoigner contre la police relevait d’un courage que peu d’hommes ont pourtant. Mais s’en était trop si un juge ne l’y aidait pas. Elle ne l’aura pas aidé, elle l’aura fourvoyé.

Un second procès mettait aux prises B. constitué partie civile et Monsieur K., policier de son état accusé de vol par deux fois et d’une tentative de vol.

Monsieur K. suspendu de ses fonctions porte un bien lourd chapeau pour des pratiques qui ne lui sont pas propres, il est le fusible d’une institution que de nombreux témoignages, partout, accablent des mêmes méfaits. Nous le verrons le verdict viendra corroborer son rôle de fusible.

Sans son uniforme, rejeté comme il l’est par les siens, encaqué sur un banc et dans un blouson de cuir, pourtant ingambe, l’homme s’est rétréci sous le coup de chefs d’inculpation dont il ne peut nier le bien fondé. Il a le dos courbé, la tête dans les genoux, il est brisé. C’est un spectacle bien pitoyable que de voir un homme dans cet état. Mais ce n’est pas B. qui l’accable, lui violenté, humilié, abusé par la force publique a toutes les raisons de demander réparation. S’il y a une responsabilité dans cet acharnement contre un homme seul c’est à son administration qu’elle incombe, car il n’échappe à personne que Monsieur K. paye seul les outrages que certains de ses semblables, plus qu’il n’en faut, font subir à des hommes sans défenses, abusant ainsi des prérogatives que leur confère leur statut de policier.

Son avocat le sinistre bâtonnier G., à force de ruses, de bricolages et de calomnies sur la personne de B. et de son comité de soutien occultera le vrai débat, pour l’on s’en doute, ne pas ternir sa réputation. S’il avait quelque souci de son client c’est vers le juste qu’il aurait orienté les débats. C’est ce qu’un homme accablé peut à grand cri réclamer plus que de la pitié. Il aurait alors soulevé le problème de la corruption et des abus au sein de l’institution et nous aurait épargné ces haussements de tons si grotesques et artificiels lorsqu’ils visaient à jeter l’opprobre sur B. et ses soutiens. Il n’a pas rendu service à son client, il a terni l’image de la justice. Incohérent il a feint d’ignorer ces abus connus de tous et c’est avec une coquecigrue qu’il en termine : le témoignage d’un supérieur de Monsieur K., « il était bien noté et s’il avait des difficultés financières il n’avait qu’à m’en parler ! ». Nitouche a son saint et la compassion s’y exprime a posteriori. Si de surcroît elle émane d’un patron qui s’est servi du fusible K. pour faire écran à son service l’artifice est aussi grossier que les mœurs bourgeois. Pauvre bâtonnier bretteur réduit à invoquer la duplicité des bourreaux de Monsieur K. Vous rendez à votre client un service de couteaux dans le dos et les honoraires en plus ! Du bourreau aux hauteurs du barreau il n’y a qu’un pas de hâbleur qui ferait passer du babillage pour des joutes oratoires d’envergure. Pas que, sans vergogne, vous esquissiez lourdement en citant, pour le coup, l’infortuné Diderot. Et en effet vous écoutant travestir la parole littéraire comme beaucoup de ceux de votre engeance, il me revint, Maître G., ces mots de l’Encyclopédiste qui repoussent sans ambages vos sournois détournements : « Il n’y a plus de patrie ; je ne vois d’un pôle à l’autre que des tyrans et des esclaves ». Vous n’étiez donc pas plus nu que le roi, drapé de cynisme vous dépouilliez la tombe de Diderot !

La juge, la même qui statuait dans la première affaire n’eut bien entendu d’autres soucis que de protéger l’administration de la police. Devant l’évidence des charges qui pesaient sur K., elle n’eut d’autre choix que de condamner la brebis galeuse qui cache la forêt infectée. Cependant dit-elle « attendu que vous n’êtes pas responsable de vos conditions de travail » vous n’aurez à verser que 800 euros à B.. Soit la même somme que B. est condamner à verser au supérieur hiérarchique de K. De quoi l’on pourrait déduire 800 - 800 = 0, la tête à Toto ! C’est un peu du sens grotesque de ces décisions.

Des odeurs méphitiques remontent aux narines : de servitude, de ruse, de force, d’inauthentique.

Les policiers ont des prérogatives exorbitantes de puissance publique et si leur parole est supérieure à celle du justiciable comme le montre le premier procès, ils ne sauraient avoir les circonstances atténuantes qu’ont déni au justiciable quand ils commettent des délits dans l’exercice de leur fonction, à moins d’en faire un phénomène juridique à part, hors de portée de la justice. Des hyper protégés. C’est ici le cas.

Le policier dit la vérité en toutes circonstances et s’il abuse de sa fonction, telle une gouape, pis qu’une gouape contrainte à voler pour survivre, son statut d’humiliateur en chef, d’abuseur public, la force armée qu’il représente, la peur qu’il suscite ne constituent pas des circonstances aggravantes mais les conditions de travail sont en revanche des circonstances atténuantes ! On peut sans se mouiller dire qu’ainsi ils ne représentent pas la démocratie, c’est dire le souci de paix, de civilité, de dialogue mais qu’ils ont une fonction de terreur qui obéit à la logique cynique des régimes barbares, le « pas vu pas pris ».

De plus s’il lui est reconnu des circonstances atténuantes car il n’est pas responsable des conditions de travail, qui donc est responsable ? Où est-il ce responsable, à tout le moins ce témoin dans le box des accusés ? L’administration de la police est sortie sauve de cette affaire, son ministre de tutelle est bien « le coupable mais pas responsable » qui envisage une candidature aux présidentielles. On la lui préserve.

M.C. ressortissant roumain retrouvé noyé dans le Canal St Martin après une course poursuite avec la Police. Le jeune homme de 20 ans savait parfaitement nager. L’enquête est en cours m’indique une association.

Après Getu Amos Mariame, ressortissant éthiopien décédé durant son expulsion. On l’obligeait à prendre une position qui les règlements n’autorisent pas, elle lui été fatale. Un agent s’est assis sur le jeune homme. Connaît-on méthode plus barbare ? Le Tribunal de Bobigny vient de condamner l’agent à six mois de prisons assortis d’un sursis. Si Diderot disait de la justice qu’elle se situe entre l’impunité et la cruauté, cette peine est de l’impunité pour un acte cruel. Il n’y a pas eu de justice. Le message nous est envoyé avec force. : La police est reine jusque dans l’application la plus cruelle à des mesures d’expulsions déjà barbares. Après ces affaires tragiques le moins que je puisse faire est de prendre la défense de B.. Si l’on pouvait encore s’autoriser à imaginer il y a quinze ans des polices à la bonhomie rassurante, c’était encore oublier Malick Oussekine ou Pascal Taïs.

Un vendredi soir du dernier mois d’avril. Il devait être trois heures du matin, un petit rassemblement de jeunes gens s’était formé devant un bar qui fermait ses portes. C’est le moment des « au revoir », les dernières tentatives de séduction, tout ce qu’il y a de plus inoffensif en somme. Si ces jeunes gens sont parfois un peu bruyants, ils n’ont rien de dangereux énergumènes que le gouvernement entend stigmatiser par les infâmes lois « prévention délinquance ». Ce soir-là une jeune fille en proie à un vif chagrin d’amour, en pleur, hurlait, tapant désespérément à la porte d’un appartement où résidait son copain. Je tente avec l’aide de quelques uns de la calmer, elle n’est pas violente, tout juste perdue. Une voisine, une dame d’une quarantaine d’années passe la tête par la fenêtre, sans chercher à comprendre menace d’appeler les flics. Je tache de lui faire entendre que ce n’est là qu’un chagrin d’amour, et d’ailleurs à peine avais-je prononcé ces mots que la jeune fille s’engouffre dans l’appartement.

Malheureusement sortent d’autres voisins. Un couple d’une trentaine d’années, avec leurs deux enfants, un nourrisson et un gamin qui n’avait pas plus de cinq ans. L’homme torse nu semble chercher quelqu’un, il tient des propos violents à l’encontre de cet inconnu, il est agité. La voisine du dessus hurle de plus belle, elle fera venir les flics. Le couple l’insulte. On entend un sordide « ta gueule pouffiasse avec ta tutelle », auquel répond un pathétique « je ne suis pas en tutelle, mais en curatelle, je t’emmerde s... ». Les voisins se dispersent. Je croyais le calme revenu. Les plus jeunes paisiblement discutaient quand sont arrivées deux voitures de police. Irruption sauvage, crissement de pneus, portières claquées, ils accourent comme si des vies en dépendaient. Immédiatement à la fenêtre la voisine triomphe « vous voilà enfin dit-elle ce sont ces jeunes... ». Elle se fait copieusement insulter par un policier, il lui intime l’ordre de quitter sa fenêtre. Apeurée elle s’exécute. Trois flics accourent au pied de l’appartement où les minutes d’avant la jeune fille pleurait. Il se trouve qu’un jeune homme en sort. Très agressifs, surexcités, les policiers lui demandent des comptes. Voyant que le jeune homme est affecté, et il faut reconnaître que l’abord était agressif, je m’adresse aux policiers et leur signifie qu’il ne s’agissait que d’une querelle amoureuse maintenant dissipée. L’un des policiers un temps hésitant et disposé, me semblait-il, à m’écouter s’attarde sur la joue du jeune homme qui présente une très légère griffure, un point rouge qui ne dépasse pas le millimètre. Manifestement ils ne veulent pas en rester là. Le jeune bafouille, l’agressivité des policiers n’incite pas, il est vrai, à la confiance et à la coopération. « Je vous assure dis-je, employant leur jargon, que tout est rentré dans l’ordre depuis cinq minutes. On entend plus un cri. Vous voyez bien que la blessure est insignifiante. »

Les policiers demandent qu’on ouvre la porte. Le jeune homme s’y emploie mais elle est fermée. Comme il semble que s’agite sérieusement un grand flic, le jeune homme exaspéré dit « comment je fais rentrer moi maintenant ? ». Ce à quoi il reçoit des réponses violentes et irrespectueuses. Des paroles qui vaudraient au citoyen, outre des coups, l’outrage à agent devant un tribunal. Il craque « Ah la police ! » dit-il. Pas un mot de plus. Trois flics lui tombent dessus. Ils ont sorti leurs matraques, l’ont attrapé violemment par le cou et le maintiennent ainsi les pieds qui ne touchent plus le sol. Un des flics s’avance matraque en main je sens qu’il va frapper j’interviens. J’essaye d’être calme et diplomate, j’emploie un ton volontiers arrangeant « vous n’allez quand même pas le frapper, il a à peine 20 ans, n’a rien fait ». Celui des policiers qui semblait disposé à cogner et qui tout au long de l’intervention se montrera le plus excité, s’avance vers moi faisant sonner sa matraque dans la pomme de sa main, « qu’est-ce que t’as le bon samaritain, t’en veux aussi ? Dégages ou t’en prend un ! ». Sur quoi quelques secondes se sont écoulées, lourdes. Ils ont relâché la pression sur le jeune homme, m’ont ordonné de circuler.

Ce qui m’a paru symptomatique en regardant de loin la suite des événements c’est que toute l’opération a été menée par trois policiers, les plus jeunes, les plus excités, tandis que les plus expérimentés et manifestement les plus calmes semblaient se tenir à l’écart, ces trois là ont dicté à une groupe d’intervention d’une dizaine d’agents leur loi.

Il fut un temps où les plus tempérés, les plus calmes, les plus disposés au dialogue, ceux qui ne manquaient ni de recul, ni de mesure par rapport à une situation, parvenaient à endiguer la rage des plus violents. Si nous assistons à des interventions où violence, irrespect, insultes sont largement disproportionnés en rapport aux situations auxquelles ont à faire face les policiers, c’est bien parce qu’il y a eu ce retournement. Les plus haineux, les plus violents dictent leur loi à une patrouille.

Le récit des mésaventures des poètes Brice Petit et Jean-Baptiste Maulpoix vient corroborer. L’un condamné après avoir tenté de tempérer, par des paroles mesurées, la violence de policiers lors d’une intervention. L’autre lourdement sanctionné pour s’être ouvert de cette affaire sur son site internet. Il l’avait pourtant fait avec beaucoup de dignité et retenu.

Aujourd’hui le doute n’est plus permis, la Police fait peur. Les voitures flanquées des couleurs bleu, blanc, rouge et leur gyrophare sont un signe de menace d’autant plus fort qu’à la différence des gouapes ils peuvent s’autoriser à agir au grand jour.

J’accuse leur ministre de tutelle de la démocrapule d’être le coupable en chef de cette terreur que suscitent dans la ville les uniformes. Louis Scutenaire ne s’y trompait pas "Les chefs sont des salauds puissants, les sujets sont des salauds en puissance

Quand la fourberie prévaut sur la cohérence, la duplicité sur la bienveillance, la violence sur le dialogue, la ruse sur la droiture, la force sur la sensibilité, la réputation sur la logique, la répudiation sur la communauté, les intérêts d’une clique sur l’individu, il ne faut pas s’étonner qu’on exhume de vieux livres qui n’auraient jamais dû quitter nos bibliothèques la question que pose Wilhelm Reich rien moins qu’à tous les hommes, ou tout au moins à ceux qui ont encore le souci des humanités « La question n’est pas de savoir pourquoi il y a des gens qui jettent des pierres sur la police, mais plutôt pourquoi il y en a si peu. »

Régis Duffour


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