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Claudine Legardinier
La France réconciliée autour des bordels de papa
Maison close, série sur Canal+
Article mis en ligne le 5 décembre 2010
dernière modification le 4 octobre 2010

Personne n’a pu échapper au matraquage. Les affiches de Canal nous sont imposées dans chaque bourgade de France et de Navarre, jusqu’à écœurement. Maison close. Pourquoi se casser à chercher un titre original ? Le bordel, en France, est un fantasme increvable. Et le simple mot de « maison close » agit comme un sésame. En avant pour les tentures rouges, les parfums sulfureux, les frissons libidineux.

Avec de toutes jeunes femmes pleine page, si joliment photographiées, Canal joue sur du velours. Les affiches caressent le regard masculin dans le sens du poil. Sûres de leur coup : « Les hommes rêvent d’y entrer, elles se battent pour en sortir. » Une chose est sûre. Le regard qu’on nous impose n’est pas celui des femmes qui se battent pour en sortir. Comme toujours, il est celui du « client », détenteur du pouvoir, du fric et du fantasme. La bande-annonce sur le site de la chaine en est l’indiscutable expression en se plaçant littéralement dans sa peau à lui, invité à franchir la lourde porte de ce bordel de luxe sur ces mots susurrés : « Bienvenue au Paradis… »

Pour la bonne conscience, Canal y va de sa présentation : « Trois femmes tentent d’échapper à la servitude »… Servitude, le mot est lâché. On ne dira pas qu’on racole. Le slogan « elles font tout pour en sortir » et le laïus sur la servitude sont là pour rassurer les féministes. Canal a assuré ses arrières.

Mais tout n’est que poudre aux yeux. Servitude ? Mais quelle autre
« servitude » bénéficierait d’une telle complaisance ? D’un tel esthétisme ? Quel enfermement oserait-on présenter de manière aussi sexy ? Quel que soit le contenu de la série, la campagne d’affiches joue à plein sur le mythe des maisons closes et en fait automatiquement, naturellement, la promotion. En feignant de ne pas être racoleuse, la campagne l’est. En affirmant
tenir un discours critique sur les « maisons », elle les porte au pinacle.
En ressassant la vieille idée que « tous les hommes rêvent d’y entrer »,
elle entérine les idées les plus réactionnaires sur la sexualité masculine, vue comme prédatrice.

Tout est en ordre au beau pays de France. Alors que la situation politique est celle que l’on sait, le bordel de Canal va réconcilier la population autour d’une bonne vieille nostalgie, celle des bordels de papa. L’imagination est décidément au pouvoir. Faut-il attendre autre chose d’une chaîne qui a toujours œuvré à sa manière pour l’image des femmes en portant un culte à la bimbo et en remplissant les caisses avec l’argent de la pornographie ?