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Journal de Montréal : la solidarité à quoi ?
Article mis en ligne le 3 juin 2009
dernière modification le 25 février 2009

Le lockout du Journal de Montréal a ceci de bon qu’il permet de considérer le contenu de ce journal nuisible et les tristes personnages qui l’écrivent.

Avant cela, précisons que, s’il est vrai que le personnel technique, les employés et l’ensemble des ceux qui n’écrivent pas dans le Journal de Montréal, ne sont pas responsables de la médiocrité malsaine des articles ni du néant rarement atteint de l’intelligence dans les pages d’un quotidien, il n’empêche que ces secrétaires, ces employés, ces ouvriers et ces techniciens ne sont pas aveugles. Ils ne peuvent oublier constamment dans quoi ils travaillent ou se réfugier dans l’impuissance ou la fatigue, ou dire que les articles minables des journalistes qu’ils côtoient ne les concernent pas. Ils savent lire et le langage et l’écrit restent encore les médiations nécessaires de la prise de conscience de l’aliénation. Et le travail de l’aliénation est partout visible dans le Journal de Montréal. Tous ses employés doivent faire preuve dans leur vie quotidienne, on l’imagine aisément, d’un sens critique et d’initiatives qu’il serait vain d’abandonner, précisément là où l’initiative critique serait la plus utile, au cœur de leur travail salarié. Le personnel technique et l’ensemble des employés sont, comme nous tous, capables de juger du contenu dégradant du Journal de Montréal, de trouver précisément faux l’image médiocre qu’il renvoie de la population québécoise, de dissiper sa confusion et ses mensonges, de démystifier la trivialité de ses journalistes. Sortir du statu quo et passer des mots bas et des idées abjects, d’une apathie entretenue, à leur contestation la plus virulente est l’urgence de l’heure. Une telle salissure comme le contenu du Journal de Montréal est en effet une affaire pressante à résoudre, de plus, elle est familière à tous compte tenu des chiffres affligeants du tirage. La participation égalitaire à toute initiative pour dépasser le triste contenu du quotidien est possible, à partir du moment où aucune hiérarchie, aucun chef syndical, petit ou grand, ne sera présent pour orienter les votes et les décisions à prendre. Travailleurs, faîtes-vous-mêmes votre journal sans les spécialistes de la parole fausse que sont les journalistes ! Il appartient aussi à l’ensemble du personnel du Journal de Montréal d’avoir le courage et la force d’exprimer concrètement leur critique et d’exiger des journalistes de caniveau, spécialistes du brouillage social, autre chose que des articles méprisables et abjects ou de la fermer. Cette misère écrite, répandue comme de la boue, doit être comprise, clairement reconnue, et expliquée à fond pour ce qu’elle est : la généralisation de l’abrutissement de tous. Nous savons que le lockout suscite chez les syndicats une interprétation limitée qui défend au lieu de la condamner l’ampleur de la nuisance du contenu du Journal de Montréal. Alors sortez en masse du syndicat ! Construisez vos propres organisations avec des objectifs qui vous aident et qui ne vous maintiennent plus dans la paralysie. L’ennemi est à portée de main et les gestes spontanés doivent retrouver un sens. Devenir constructeur de soi-même est toujours possible. Il est vrai qu’il faut survivre dans des milieux professionnels qu’on ne choisit pas mais qu’on subit. Cependant les gestes qui préfigurent une construction libre de la vie peuvent s’accomplir sans tarder au Québec comme en Grèce cet été et en France en ce moment. Espérons alors que les enseignements d’Émile Pouget, ces habitudes ouvrières qui ont la mémoire longue, ne sont pas tout à fait oubliés.

La déficience habituelle de la presse au Québec atteint au Journal de Montréal, un sommet qui semble presque devenu naturel, tant le travail effectif de ses journalistes est de décerveler les lecteurs à longueur de pages, quels que soient les sujets et les événements traités. Parler en effet de contenu est une gageure à propos du Journal de Montréal, pourtant il existe sous une forme la moins critique qui soit, occupé à ressasser les crimes, les abus, les petits et grands trafics de tout genre comme si la vie en déroute n’était constituée que de faits divers, laissant de côté toute critique authentique, toute critique radicale, toute vraie grève qui menacerait l’ordre social, toute résistance réelle et tangible. En contrepartie, l’hommage systématique aux forces de police et à l’armée maintient la peur du bon côté. Pour ces journalistes, le mensonge est inépuisable. Il est l’essence de leur journalisme et la généralisation du scandale comme communication remplace leur mandat d’informer. Le mensonge par omission, par censure, comme expression, comme cohérence, par veulerie, comme complicité, le mensonge est leur unique réflexe d’écriture. Écrire et mentir sont devenus pour eux une action unique. Les seuls rares articles à peu près lisibles sont des dépêches d’agence de presse internationales et encore sont-elles censurées, coupées, et souvent mal coupées, réduites au simple effet d’annonce, puisque toute analyse et tout développement critique en ont disparu. Si bien que le mécanisme brut du fait divers ou de l’évènement réorienté devient une pure manipulation des consciences et porte l’aliénation à un niveau rarement atteint. La haine l’exclusion, la peur de l’autre, la généralisation du racisme, le mépris, la passivité sociale sont leurs normes. Les micros-événements du sport et de la culture de masse deviennent les seules valeurs partageables, des valeurs célestes qui s’étendent grâce à ces journalistes dont le cynisme tranquille est une injure pour tous. Leur travail n’est pas neutre ; il renforce une société capitaliste qui cherche effectivement à peser de tout son poids sur le monde. Les valeurs défendues par les médias, et particulièrement le Journal de Montréal, ne sont pas insignifiantes : elles sont le reflet de ce que pense la classe dominante de la population québécoise qu’elle (mal)traite comme une classe arriérée et qu’on séquestre de plus en plus dans l’oppression réelle à cause, précisément, du traitement qui lui est fait par les médias. Les lecteurs sont en effet contraints à absorber des faits divers triturés sous les angles les plus sensationnels, les plus scandaleux, les plus minables. Une société qui accepte la boue brûlante qu’on déverse sur elle prépare son propre enfouissement dans cette boue malsaine. Le but poursuivi est que cette image que les médias lui renvoient devienne son image, qu’elle croie en elle et qu’elle se taise à jamais sous son poids, acculée, à grands renforts des tombereaux de culpabilité qu’on lui assène par avance et de la peur d’elle-même qu’on lui apprend, à la soumission et au silence. À lire les pages de ce torchon, la société québécoise se confond avec les immondices colportées par ces journalistes de caniveau avec l’aval de leur patron, le groupe Quebecor. Bien sûr la société québécoise n’est pas entièrement formatée par cette sous-culture de masse, il reste la télévision qui complète utilement l’aliénation générale. Et puis, le portrait ne serait pas complet sans les syndicats qui enseignent avec brio l’art de la résignation devant toutes les injustices sociales, et les politiciens, cette vulgarité gênante, qui rendent la confusion environnante encore plus efficace. Le discours de soumission à la crise du monde qui se développe toujours plus largement fusionne parfaitement avec celui de la résignation extrême véhiculée par la fange du Journal de Montréal. Mais tout cela pourrait bien sombrer un jour devant une pratique radicale permanente simultanément à la dénonciation des impostures de sens accommodés par les médias.

L’occasion était pourtant belle pour les journalistes, de prendre le contre pied de la merde qu’on leur demandait de faire lorsqu’ils y étaient obligés. Une fois lockoutés, le courage leur a manqué de faire un honnête travail d’information dont ils auraient pu légitimement être fiers. Sur le site où ils voudraient avoir l’air un peu plus dignes et dont ils devraient avoir honte, ils reproduisent en version numérique, les mêmes pitoyables étrons qu’ils pondaient dans la version papier. Il n’est que des crétins de journalistes pour penser qu’ils peuvent continuer à répandre de manière virtuelle les mêmes déjections que dans la version papier du Journal de Montréal. Ces idiots ne sont rien, ils n’ont rien compris et les déclarations conciliantes de leur syndicat envers Quebecor montrent que leur lockout est en fait une mauvaise querelle entre gens du même bord. Ces journalistes se sont disqualifiés, y compris dans leur métier. Ils continuent à légitimer le système qui les utilise comme ses propres mercenaires et les pousse à aliéner les autres. Ils ne méritent aucune solidarité mais le mépris le plus absolu. Ils sont la publicité consciente du système idéologique qui maintient le plus grand nombre dans la passivité et la confusion. Leur petitesse en tant que spécialistes de l’information surfe sur la démagogie, elle profite de l’absence de contestation et de l’imagination révolutionnaire, au moins dans les manifestations intellectuelles les plus visibles au Québec. Leur capacité de nuisance sociale est similaire aux multiples obstacles policiers et répressifs qui sont opposés à cette même contestation et la rendent malaisée, mais pas impossible Avec les journalistes du Journal de Montréal, les drogues de l’idéologie finissent leur histoire dans une apothéose de grossièreté dont eux-mêmes, malgré leurs efforts, n’ont même pas idée du rejet qu’elle provoque à leur égard. Qu’ils survivent seuls dans l’égout qu’ils ont contribué à alimenter ! L’aspect misérable des opinions que les journalistes de ce torchon expriment devrait suffire à mettre en garde toute personne tentée par un geste de solidarité à leur égard. Il faut avoir, devant ces trous du cul porteurs de mensonges, un minimum de méfiance vitale.

titusdenfer


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