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L’Humanité sans sépulture
Louis Mandler (Sulliver)
Article mis en ligne le 29 septembre 2008
dernière modification le 17 septembre 2008

Sortir du carcan culturellement imposé et se réapproprier les moyens de production, se garantir de la récupération et ne pas être « à la disposition du plus offrant » comme l’écrit Louis Mandler. « Vendre son intelligence ? sa créativité ? sa force ? et disparaître sans avoir vécu ! »
Si les créations médiatisées sont celles qui proviennent du moule, le système sait jouer de la marginalité, de la subversion quand elles font vendre, et surtout quand elles sont « encadrées ».

CP

Ô adorateurs de la Démocratie ! Genouilleurs de l’inexcès !… Cons sans sus ! Où sont vos modèles ? Les couchés ! Votre bouche édentée ! ouverte des cheveux à la trachée, d’une oreille l’autre ! Ô visage-trou ! Le monde baigne dans votre salive ! Les femmes bronzent sur vos gencives ! se font sodomiser dans les cratères dénervés de vos anciens chicots ! Vos lèvres beurrées en auréole de négociations tremblent et ne se referment jamais sur la moindre proie ! une parole pleine ! Votre langue en plongeoir satisfait les femmes dont « la vie tient dans un sac à main » ! Dans la piscine de leur crâne, les hommes jettent leur bouée et veillent à ne pas renverser leur pastis ! Quels sont vos modèles ? Qui ? Quoi ? Votre politique en applicateur ?… Vos poisons de senteurs ! Vos couleurs sans nuances ! Votre monde de sensations élémentaires au-delà desquelles on ne distingue rien !… Je vous respire et je pourris ! Je vous regarde et je pourris ! Je vous entends et je pourris !…
(p. 28-29)

Louis Mandler avec le groupe Anatomie Bousculaire

« L’égoïsme des gens heureux ! » L’abbé Pierre dénonce votre malpropreté ? Vous le hissez au hit-parade de vos « vedettes » préférées !… Un vote vous blanchit de votre contentement stérile !… Quelque secondes de télévision : « Les gens heureux sont le malheur des pauvres ! » et puis oublié !… Proverbiale lâcheté, héréditaire compromission du journal télévisé ! Répugnants journalistes jamais concernés !… Une bonne action : on se flagelle en public !… et puis on se rhabille… par pudeur ?… Non, parce que c’est l’hiver et qu’il fait froid… alors on en veut quand même un peu aux pauvres de nous avoir forcés à cette humiliation… salaud d’abbé Pierre !… Le journaliste obéit ! à un chef ! au confort toujours !… Considérez si c’est un homme, celui qui meurt sur le trottoir ! Considérez si c’est une femme, celle qui ayant été trop pauvre a perdu ses dents et ne séduira jamais plus un homme ! Considérez si c’est une femme, celle qui doit renoncer à dénoncer une telle société parce que le directeur de son journal la menace de licenciement ! Considérez si c’est un homme, celui qui rend compte de ces faits et ne s’en indigne pas ! Considérez si c’est une femme, celle qui apprend que l’on meurt de pauvreté et ne s’en émeut qu’une seconde !… Considérez si c’est un homme, celui qui ayant le pouvoir d’éviter cette mort, ayant les moyens d’empêcher cette mutilation, les permet et les encourage !… Médiocres heureux à courte vue et pragmatiques hommes de pouvoir ! Que cesse la propagation millénaire de cette peste comme on jugule une pandémie en éliminant des poulets !… Oh mais… je sais… on ne peut se débarrasser des « gens heureux » ! Que feraient les malheureux ? obligés de devenir « heureux » ?… C’est sans issue…
(p. 55-56)

Réveillons-nous !… Ne cessons jamais de nous réveiller… dans un perpétuel recommencement de conscience sensible amplifiée… affinée… filtrée… Une vie sans monuments ni carrières et dont aucun plasma n’accouchera… Ni mausolées ni couronnes, ni raffineries de scintillements ou gros-œuvre d’abattoirs au service des sertissages, pavages et industries de fœtus !… Réveillons-nous !…

Ne plus jamais nous endormir !… Se livrer à l’amour dans les ombres fraîches… Interstices du ciel soufflés de soleil…

Les hommes sont devenus des meubles… le monde un vaste entrepôt d’êtres humains figés dans leur position de défécation ou de labeur tertiaire… L’art n’est pour eux qu’un instrument ou un hochet de vieillesse… L’esprit se réduit à la faculté de rendre invisible le mécanisme qui permet d’ouvrir et de fermer les tiroirs de leurs menuiseries mortes… Grâce au libre-échange, l’homme a retrouvé l’état de nature : la vie est un jeu de woodmen intubés… Depuis leurs avions, leurs résidences et leurs bureaux, les propriétaires, directeurs et gestionnaires programment l’aération des hangars ou leur subtile suffocation… Sur les murs, les identiques reproductions du Pop-Art et des endives contemporaines… Dans les rues qui quadrillent les quartiers du globe, la guerre intime aux stocks de ne pas s’extraire de leur box… Depuis le Nouveau Monde, l’écorce terrestre craquèle ses libers criblés crépitant de commerce, cramant trouée d’avens pleine sève… rétractant barathres, précipices pétillants… festive minuterie creusée de cadavres… bières acacia noisettes sipo… semelles engazonnées… concessionnaires de sépultures enfeus… la belle étoile…
(p. 92-93)

Extraits de L’HUMANITÉ SANS SÉPULTURE – LOUIS MANDLER – ÉDITIONS SULLIVER